Histoire du diamant
Le diamant dans la légende indienne
Vers le XVIIe siècle avant notre ère, les Aryens à peau claire envahirent l'Inde. Ils apportèrent avec eux leur système hiérarchisé en trois castes(prêtres, guerriers et commerçants) et furent à l'origine de l'hindouisme, religion évolutive dont le dieu majeur est alors Indra(armé de foudre, vajra). Ils détruisirent la civilisation de l'Indus et soumirent les Dravidiens à peau sombre, dont ils firent une quatrième caste inférieure, les parias ou sudra. Sans doute ceux ci collectionnaient ils déjà les diamants, ces pierres d'un aspect différent des autres.
Diamant et hindouisme
Reprenant au VIe siècle de notre ère l'ancienne mythologie hindouiste, 2 rois de l'époque (Ratnaparîskâ de Buddhabhatta et le Brihat-samhitâ de Varâhamihira) attribuèrent une grande importance au diamant. Il devient le vajra, arme d'Indra, et, par les six pointes de l'octaèdre, symbolise l'homme véritable résistant aux attaques de toutes parts, à celles des puissances infernales ainsi que célestes.
Symbolique du diamant
Aussi, celui qui porte un diamant sera protégé du feu, des voleurs, de l'eau, des serpents et des mauvais esprits. La dureté du diamant véritable est bien connue (seul le vajra entame le vajra), mais tous les cristaux octaédriques sont néanmoins qualifiés de vajra, traduit peut être abusivement par diamant. Les octaèdres incolores (des diamants au sens propre) sont attribués aux brahmanes, les prêtres. Les rouges (des spinelles) aux kshatriya, les guerriers. Les jaunes (peut être des diamants) aux vaiçya, les marchands. Les noirs enfin (de la magnétite) aux sudra ou parias, les paysans.
Législation du diamant
Dès le IVe siècle avant notre ère, le premier empereur des Indes, Chandragupta Maurya (322-298) fixe avec précision la législation concernant l'exploitation du diamant, ses critères d'évaluation (forme, propreté, densité, laquelle nous indique clairement les espèces minérales concernées en réalité) et les taxes qui le frappaient.
Le diamant durant la période gréco-romaine
Le rôle de Pline
Le symbolisme lié au diamant fut transmis avec cette gemme aux Grecs, puis aux Romains. L'ensemble des connaissances acquises en Orient sur le diamant fut ainsi transcrit au Ier siècle de notre ère par Pline l'Ancien, qui considérait celui-ci comme une pierre de grande valeur.
Diamant et glyptique
Le diamant trouvait également une application en glyptique, art particulièrement à l'honneur aux époques hélléniste et romaine. Les graveurs recherchaient la poudre et les brisures de diamant. Ces diamants industriels étaient même exportés par Rome jusqu'en Chine. Les Chinois, amateurs de jades et aux préoccupations mythiques différentes, ne recevaient pas les beaux cristaux gardés en Inde ou déjà vendus à Rome. Ils tenaient évidemment pour fous ces Romains qui portaient en bague cette pierre utilitaire d'aspect peu esthétique.
Le diamant au Moyen Âge
En renversant les dieux et le symbolisme de l'antiquité classique, le développement du christianisme entraîna l'effondrement de la valeur des beaux cristaux de diamant.
Commerce du diamant
Le flux commercial qui, à travers le Moyen Orient, unissait les pays d'Asie à l'Europe occidentale s'est toutefois maintenu après la chute de l'Empire romain. Aussi, diamant industriel et cristaux de diamant arrivaient régulièrement par l'intermédiaire de la république sérénissime de Venise, dont les chefs se rendirent indépendants de Constantinople dès 1912.
Lors des croisades, Venise était devenue le grand centre d'échanges commerciaux entre l'Europe et l'Orient. Sa succursale pour l'Europe du Nord était Bruges, dénommée pour cette raison la Venise du Nord. Le commerce du diamant se développait le long des chemins menant de Venise à Bruges, et dés le XIIIe siècle des quartiers de diamantaires virent le jour à Paris, Francfort sur le Main, etc... Les échanges commerciaux s'intensifièrent avec les croisades, et il est probable que les premiers essais européens de facettage du diamant eurent lieu à Venise d'où ils gagnèrent ensuite toute l'Europe et l'Inde.
Taille et facettage du diamant
La prééminence flamante pour la taille au XVIIe siècle est attestée par Robert de Berquen, orfèvre joaillier parisien. Il se prétend l'héritier d'une ancienne lignée de diamantaires et attribue à son aïeul Louis "natif de Bruges" l'invention de la taille et le facettage, en 1476, des 3 diamants célèbres du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire (1443-1447). Il aurait alors reçu 3000 ducats pour ce travail. La légende, sur l'origine de la taille diamant est issue de ce seul témoignage, non confirmé par les archives et d'ailleurs manisfestement erroné.
Ésotérisme du diamant au Moyen Âge
Vertus du diamant
Présentées de façon imagée dans l'Antiquité, les propriétés du diamant étaient alors difficilement vérifiables. Tout d'abord du fait de la rareté de cette gemme, ensuite par son ancien symbolisme devenu étranger à la civilisation du Xe siècle. Ses propriétés seront souvent reprises, amalgamées et poétisées par les auteurs du Moyen Âge parfois friands de merveilleux. C'est ainsi que se fixèrent les nombreuses vertus du diamant.
Souvenir de son assimilation à la magnétite, il se comporte en aimant... et réconcilie les époux. Symbole du héros, il résiste au choc du marteau sur l'enclume..., et cette confusion entre dureté et ténacité fut préjudiciable à maintes pierres. Comme le héros peut être amolli par une vie déréglée, le diamant peut se casser s'il est trempé dans du sang de bouc (symbole du mal).
Pouvoirs magiques attribués au diamant
Des propriétés magiques sont naturellement prêtées au diamant. S'il est de grande qualité, il donne énergie, force, beauté, bonheur et longue vie. Il garde des mauvais esprits et détourne les catastrophes. Au XIIe siècle, sainte Hildegarde de Bingen, dans le livre des pierres, précisait : "le diable déteste cette pierre parce qu'elle résiste à sa puissance."
Particularités médicinales du diamant
Des propriétés médicinales sont aussi attribuées au diamant. Placé dans la bouche, il guérit le menteur. Placé sur la partie malade du corps, il facilite sa guérison. Au début du XXe siècle, les villageois allaient encore en procession emprunter le diamant de la châtelaine du lieu, afin de soulager leurs malades en plaçant la pierre sur l'endroit à guérir. Au XVIe siècle, une médecine à base de poudre de diamant fut prescrite au pape Clément VII (1523-1534). Il mourut néanmoins en avalant la 14e cuillérée de ce médicament dont la facture s'éleva à 40 000 ducats...
C'est à partir de cette époque que le diamant fut considéré comme un poison. La poudre de diamant entrait dans la composition des fameuses poudres de succession de Catherine de Médicis (1519-1589). Il est d'ailleurs possible que cette légende ait été entretenue afin de décourager les voleurs d'avaler des cristaux de diamant pour les cacher.
Le développement de l'industrie diamantaire aux XVI et XVIIe siècles
Ouverte en 1498 par Vasco de Gama, la route maritime directe entre l'Europe et les Indes favorisa peu à peu Lisbonne aux dépend de Venise tandis que s'amorçaient le déclin de Bruges, dont le port fut victime d'un ensablement progressif.
Anvers par contre acquit une position dominante au milieu du XVIe siècle. Mais la lutte victorieuse des Pays Bas du Nord pour leur indépendance et la prise d'Anvers en 1585 par Alexandre Farnèse permirent alors à Amsterdam de s'imposer (même comme fournisseur d'Anvers!) et à Francfort-sur-le-main de se développer.
Hausse de la demande en diamant
La demande en diamants fut stimulée par l'intérêt que lui portèrent les cours royales. Mazarin encouragea les diamantaires français, si bien que l'idée de la taille en double rose lui est parfois attribuée. Les dix huit pierres qu'il légua à la couronne de France, dénommées ultérieurement Mazarins pour cette raison, constituèrent une partie importante de la collection des diamants de la Couronne.
Pour répondre à la demande européenne, les princes indiens entreprirent une exploitation intensive des alluvions diamantifèrestant anciennes que récentes. Les déblaits des alluvions anciennes furent repris une fois devenus plus meubles par l'altération atmosphérique. Il semble probable que cette technique d'exploitation soit à l'origine de la croyance sur l'accouplement des diamants (idée résultant de l'observation des macles et croissance parallèle) et de leur naissance en rivière.
Les diamants et leurs cours d'eau
Les cristaux les mieux formés et donc les moins fragiles peuvent être entrainées plus loin et sans dommage appréciable par les cours d'eau. Les meilleures pierres se trouvant ainsi souvent associées aux courants les plus vifs. L'expression diamant de belle eau leur fut naturellement appliquée.
Négociants en diamants
Les négociants européens allèrent se fournir sur place. Particulièrement habile, J.B Tavernier (1608-1689) sut se faire apprécier tant des souverains indiens qui lui montrèrent leurs trésors et leurs mines, que des souverains européens, dont il compléta les collections(bijoux et parures en diamant innombrables).
Louis XIV l'anoblit en 1669. Tavernier lui procura notamment le Diamant bleu de la Couronne, devenu ultérieurement le Hope. Le récit de ses 6 voyages aux Indes contribua à vulgariser une réelle connaissance non seulement du diamant mais aussi de la Perse, de l'Inde et de l'Extrême Orient.
Le diamant et l'aventure brésilienne du XVIIIe siècle
Les convoitises liées aux diamants
A la fin du XVIIe siècle, les prétentions des princes indiens étaient telles que les Néerlandais et les Portugais renoncèrent à importer le diamant et laissèrent faire leurs concurrents anglais, ce qui permit le développement de la place de Londres.
Mais en 1725, Sebastiano Leme Do Prado identifia comme des diamants les jetons dont se servaient pour jouer aux cartes, des orpailleurs du rio do Marinho, dans l'actuel Etat de Minas gerais, au Brésil.
Déclarée propriété de la Couronne Portugaise, gardée militairement, la région où se contruisit la ville de Tujido, actuellement Diamantina, fut activement prospectée par maints aventuriers. D'autres gisements de diamants furent découverts plus tard dans le même Minas Gerais, dans l'etat de bahia et dans l'etat de Mato Grosso.
La liberté contre un diamant
Les esclaves employés aux mines gagnaient leur liberté s'ils apportaient une pierre de diamant brute pesant plus de 17,5 carats anciens. C'est ainsi qu'en 1853, une esclave noire gagna sa liberté et une pension à vie en trouvant, dans un affluent du rio Paranaiba, le premier gros diamant du Brésil (l'etoile du Sud), de 254,5 carats anciens, blanc, très légèrement nuancé de rose. Le propriétaire de l'esclave en reçut 3000 livres d'un acheteur qui en obtint peu après 30 000. Le diamant fut taillé en trois mois à Amsterdam en un ovale (35*29*19mm) de 128,8 carats, puis présenté à l'exposition de 1862 à Londres et à celle de 1867 à Paris, où il fut évalué 3 250 800 francs. Mais le Gackwar de Baroda ne l'acheta alors que 2 000 000 francs.
Fluctuation des diamants bruts
Initialement, les diamants brésiliens étaient suspects, si bien que les Portugais, avant de les mettre en vente à Lisbonne, les transféraient à Goa, pour leur donner la provenance des Indes... Puis l'importance de la production brésilienne supplanta bien vite la production des Indes, dont les mines étaient presque épuisées.
Il s'ensuivit vers 1730-1735 une chute du prix des pierres brutes qui diminua des trois quarts et ne retrouva qu'un siècle plus tard son ancienne valeur.
Cela n'affecta pas cependant les diamants taillés dont le prix demeura stable de 1670 à 1830. Malgré la découverte de riches gisements dans l'État de Bahia en 1844, l'exploitation intensive des gisements entraîna, avec leur épuisement, une chute de la production à partir de 1850.
Si bien que le prix des pierres taillées, soutenu par une demande accrue de la bourgeoisie d'affaires, tripla de 1830 à 1869.
Le diamant et l'épopée africaine du XIXe siècle
La bonne intuition de Schalk Van Nierkerk
Il est possible que les premiers diamants africains aient été trouvés sur les bords de la rivière Vaal par des autochtones christianisés par des pasteurs berlinois. Le journal de leur établissement à Pniel signale l'achat d'un diamant de 5 carats découvert en 1859 près de Platberg.
Toutefois, c'est seulement en 1866 que l'attention de Schalk Van Nierk, marchand et fermier, collectionneur de pierres bizarres, fut attirée par un caillou avec lequel jouaient les enfants de son locataire. Daniel Jacobs, alors âgé de 15 ans, avait été envoyé avec un berger hottentot, Klondie, tailler un arbre au bord de la rivière Orange pour en faire une canne. Klondie ayant remarqué un caillou brillant le ramassa, le donna à Erasmus, qui l'offrit à sa plus jeune soeur.
Apercevant la pierre sur le bord d'une fenêtre, Van Nierk l'examina, et ses souvenirs livresques lui suggérèrent que c'était peut être un diamant. Il fit un test de rayure sur une vitre (exposée maintenant au musée de Colesberg) et offrit à Mme Jacobs d'acheter ce caillou. Celle ci ne voulant pas faire payer un vulgaire caillou le lui donna pour compléter sa collection.
Deux marchands allemands, Gustave et Martin Lilien feld, et un jeune Anglais James Wykham, confirmèrent Van Niekerk dans son idée, aussi ce dernier demanda à un marchand d'Ivoire, de peaux et de plumes d'autruche, John O' Reilly, de l'apporter au commissaire adjoint de Colesberg.
Celui ci, Lorenzo Boges, montra la pierre au pharmacien, T. B. Kisch qui la prit pour une topaze, mais l'envoya à un minéralogiste amateur fort compétent, le Dr Atherstone, de Grahamstown, qui détermina la densité, fit un test de dureté en inscrivant ses initiales sur une vitre du presbytère catholique, la montra aux bijoutiers de la ville, qui l'éprouvèrent de leurs limes. Alors convaincu qu'il s'agissait d'un diamant de 21 1/4 carats, d'une valeur de 800 livres, il demanda l'autorisation de l'envoyer au secrétaire colonial du Cap, Richard Southey.
La pierre fut encore montrée au consul français, Héritte, considéré comme un expert en diamants, puis un diamantaire hollandais, Louis Hond, avant d’être achetée 500 livres à John O’Reilly (Schalk Van Nierkerk en reçut 250 livres dont il donna une part aux Jacobs).
Diamant Euréka
Nommé Euréka, le diamant fut exposé brut à l’Exposition de 1867 de Paris, où il ne sucita que suspicion quant à sa nature réelle ou quant à sa provenance. Il fut ultérieurement taillé en un ovale de 10,73 carats, actuellement propriété du Parlement sud africain, à qui la société De Beers, l’offrit en avril 1967. L’Euréka est exposé au musée de Kimberley depuis octobre 1983.
Théorie de l'imposture des diamants d'Afrique du Sud
En décembre 1868, au retour d’une exploration mandatée par le diamantaire londonien Harry Emmanuel, un géologue anglais, James R. Gregory, écrivait dans le Geological Magazine : « J’ai examiné attentivement et longuement la région où des diamants auraient été trouvés, mais je n’ai observé aucun indice permettant de supposer la présence de diamants ou d’alluvions diamantifères en aucun endroit. Le caractère géologique de cette partie du pays rend impossible qu’il y ait eu réellement une découverte. La découverte de diamants en Afrique du Sud est une imposture ».
De fait, en dépit des assurances du Dr Atherstone (« Là où ce diamant a été trouvé, d’autres doivent aussi se trouver »), Lorenzo Boges et T.B. Kisch fouillèrent en vain le confluent du Vaal et de l’Orange…
Diamants et prospérité de l'Afrique du Sud
Mais, en mars 1869, un berger hottentot, Booi, qui cherchait du travail, ramassa un diamant brut de 83,5 carats sur la ferme Zandfontein et chercha veinement à l’échanger pour prix d’une nuitée. Il fut finalement envoyé chez Van Niekerk, qui reconnut immédiatement ce caillou comme un diamant et l’échangea contre un cheval, 10 boeufs et 500 moutons (soit environ 150 livres).
James Wykeham, sheriff adjoint de Hopetown, en offrit 11 000 livres. Assisté de Louis Hond, Lilienfeld frères offrit 100 livres supplémentaires. Louis Hond persuada Van Nierkerk que Wykeham ne pourrait pas réunir 11 000 livres et le convainquit d'accepter sa nouvelle offre de 11 200 livres.
Avant d'être envoyée à Londres, où elle fut vendue à la comtesse de Dudley pour les 25 000 livres espérées par Louis Hond, la pierre fut exposée le 2 juin 1869 à la Bourse du Commerce du Cap, où le secrétaire colonial aurait dit : "Ce diamant, messieurs, est la pierre sur laquelle sera bâtie la future prospérité de l'Afrique du Sud. "Taillée, elle deviendra la brillant ovale de 47,69 carats nommé par Richard Southey Etoile d'Afrique du Sud, vendu à Genève le 2 mai 1974 chez Christie's pour 552 000 dollars (225 000 livres).
En relatant cette découverte, le journaliste du Colesberg Advertiser écrivait : "Je me demande ce que dirait l'ami Gregory s'il était là", et il signalait la découverte d'un autre diamant de 7,25 carats. L'origine des pierres ne faisait plus de doute, Harry Emmanuel se déplaça en personne, et ce fut la ruée...
Du monde entier, des milliers d'aventuriers, qui laissèrent bientôt pousser leurs favoris pour se protéger la figure du soleil, envahirent le pays, d'abord loin des rivières, car Booi avait trouvé l'Etoile d'Afrique du Sud dans les terres. Puis ils se rapprochèrent des cours d'eau. Les fermiers vendaient le droit de fouille. Des transporteurs proposaient un voyage plus rapide. Hopetown (ville de l'espoir), au nom prédestiné, devint une ville agitée. Des rixes opposaient prospecteurs et fermiers. Des concessions stériles étaient "salées" de quelques diamants pour être revendues à prix élevé. Chacun était armé...
La République des prospecteurs
Une Digger's Republic (République des prospecteurs) fut créée en réaction à une mainmise des gouvernements Transvaal et de l'Etat libre d'Orange sur les champs diamantifères. Elle maintint un ordre relatif, puis disparut et, en octobre 1871, cette région, le Griqualand, devint colonie de la Couronne Britannique.
Pendant ce temps, le prix des diamants chutait des deux tiers, reprenant son ancien niveau du XVIIIe siècle, car, par suite de l'affrontement franco-allemand, le marché de Paris, s'était fermé.
En juillet 1870, un conducteur de chariots, Julius Bam, trouva un diamant sur la ferme de Koffiefontein. Les amis qu'il rassembla pour exploiter le site furent discrets, aussi travaillèrent-ils en paix. Il apparut bientôt que c'était la première cheminée (pipe) diamantifère, d'un diamètre de 350m environ. La profondeur de l'excavation était telle que en 1874, Julius Bam installa une exhaure mue par un cheval. Les droits furent vendus en 1891 à Alfred Mosely, qui forma une compagnie d'exploitation et trouva la même année un diamant et 136 carats.
En août 1870, De Kerk, contremaître à Jagersfontain, avait visité les prospecteurs du Vaal. Il était bien décidé à tenter sa chance dans le ruisseau à sec pendant l'été, celui qui traversait sa ferme. Il trouva un diamant de 50 carats. Peu de prospecteurs se joignirent à lui, car Miss Visser louait 2 livres par mois (somme assez élevée) les concessions (10 x 10m environ) qu'elle accordait.
L'Excelsior
Dès 1878, il apparut que Jagersfontein était aussi une cheminée volcanique de 250 x 350m. A cet endroit, le 30 juin 1893, peu avant minuit, un travailleur indigène apporta au directeur de la mine le diamant de 995,2 carats (199,04g. 6.5 x 5 x 2.5cm) qu'il avait trouvé dans la journée sur un tas de graviers qu'il chargeait dans un camion. De grande qualité, ce diamant, le plus gros extrait jusqu'alors (actuellement le plus gros diamant jamais trouvé au monde), fut nommé Excelsior et valut à son inventeur 500 livres, un cheval et son équipement, et l'autorisation de résilier son contrat.
Ce diamant ne fut vendu, en lot avec le Reitz de 650,8 carats trouvé fin 1895 à Jagersfontein, que 25 000 livres en mai 1896, une excellente affaire pour l'acheteur, Herrman Hirsche. La taille de l'Excelsior en 1903 fut un véritable massacre. Il en résultat 21 pierres de 70 à 1 carats (dont une poire de 69,68 carats) donnant en tout 373,75 carats, soit un rendement en masse de 37%.
Le Reitz
Le Reitz au contraire, fut taillé en 1896 en un coussin de 245,35 carats, le Jubilee, qui fut estimé 7 000 000 de francs lors de l'exposition universelle de Paris en 1900. Un puits de 310m fut foré en 1910 afin de poursuivre l'exploitation de cette cheminée par galeries souterraines. Koffiefontein et Jagersfontein restèrent en dehors des territoires soumis à la loi de 1871 sur les concessions.
La naissance de Kimberley et la formation du groupe De Beers
Ayant entendu parler des diamants trouvés loin des cours d'eau et achetés par Van Niekerk, William Anderson, arrivé en 1867 pour prospecter l'or, fut pris par la fièvre du diamant. Il visita les travaux des prospecteurs et se rendit à la ferme de Dorstfontein, propriété d'Adrien J. Van Wyk, qui la tenait d'Abraham Du Toit. Il observa en septembre 1870 des diamants bruts pris dans les murs d'une cabane construite avec la boue de la mare. Van Wyk ne lui donna pas la permission de fouiller.
Ce ne fut pas le cas de son voisin Cornelius Du Plooy, à la ferme de Bultfontein, où il trouva aussi du diamant dans la boue de la mare. Anderson conçut le projet d'exploiter avec des amis les deux gisements, distants d'environ 1 km. Mais ils furent trop bavards et ce fut la ruée...
Toute la végétation fut arrachée, et toute culture compromise. Van Wyk et Du Plooy durent, dès la fin de 1870, vendre leurs terrains pour 2000 et 2600 livres à ... Martin Lilienfeld. Une loi du gouvernement de Bloemfontein institua les concessions publiques et diverses taxes priva dès 1871 de tout droit de fouille, les gîtes devenus Dutoitspan (la mare de Du Toit) et Bultfontein.
Frères De Beers
Cependant, à 3,5km de là, les frères De Beers, qui avaient acheté la ferme Voofuitzicht 50 livres en 1860, permettaient à un prospecteur solitaire, Corneilsa, de fouiller leur mare sous réserve de leur laisser 25% de ses trouvailles. Corneilsa eut la naïveté d'introduire en mai 1871 Richard Jackson auprès des De Beers. Celui ci invita quelques amis prospecteurs sur le Vaal à le suivre vers ce nouveau gisement. Mais leur départ fut remarqué, et ils n'arrivèrent qu'avec une centaine de mètres d'avance sur leurs poursuivants pour délimiter leurs concessions.
Cornelius prit peur et vendit sa concession pour 110 livres, Jackson choisit malheureusement des concessions hors de la cheminée Kimberlitique et il ne lui resta que sa pelle et sa pioche. En octobre 1871, les frères De Beers vendirent leur ferme 6300 livres à un syndicat de prospecteurs et clamèrent partout qu'ils avaient été abusés.
Le syndicat revendit le terrain au gouvernement pour 100 000 livres. Quant à la mare, elle a produit depuis pour quelque 600 millions de livres de diamants.
En juillet 1871, Fleetwood Rawstone, qui travaillait sur le gîte de la ferme De Beers, perdit sa concession au jeu. Il campait alors à 1500m de là et se disputa avec son cuisinier pris de boisson. Menacé d'être renvoyé, celui ci fut envoyé jeter un coup d'oeil sur une zone abandonnée. Le samedi soir 15 juillet 1871, il revint avec trois diamants vers Fleetwood, qui jouait aux cartes avec des amis. L'effet fut immédiat, ils prirent possession du terrain et firent une déclaration officielle dès le dimanche matin.
Big Hole
Cétait déjà la ruée et l'officier gouvernemental distribuait les concessions dès le lundi matin. D'abord nommée New Rush, cette mine fut ensuite appelée Kimberley puis Big Hole (grand trou), l'exploitation désordonnée d'une cheminée de 200x300m par concessions de 10x10m ayant conduit après maints accidents et éboulements à la formation d'un trou de 400m de profondeur.
C'est à cette époque que des techniques invraisemblables furent mises au point pour accéder aux concessions. Des centaines de câbles actionnés par d'immenses roues de bois permettaient l'accès aux chantiers et la remontée du minerai. Malgré le creusement d'un puit latéral de près de 1100m, la mine fut abandonnée en 1914. Elle se révéla alors difficilement exploitable par suite des travaux antérieurs et de son appauvrissement. Sa teneur qui était de 1,15 carat/t en surface n'était que de 0,29 carat/t à 1000m de profondeur.
Ces quatres mines ainsi que leurs campements constituèrent administrativement le 5 juin 1873 la ville de Kimberley, dédié au comte de Kimberley, secrétaire britannique des colonies. Cette ville resta pendant de nombreuses années un immense bidonville où la vie était trois fois plus chère qu'ailleurs.
Barney Barnato
Né à Londres, Barney Barnato rejoignit son frère Harry à Kimberley en 1873 à l'âge de 20 ans. Il survécut en vendant de tout, et organisa des combats de boxe, ce qui lui permit de devenir négociant en diamants associé à Louis Cohen. Il écouta les géologues, et, au contraire de nombreux prospecteurs, les crut lorsqu'ils assuraient que les gisements se continuaient en profondeur dans la terre bleue (blue ground).
Kimberley Central Mining Co
Aussi se mit il à acheter au centre de la mine de Kimberley les concessions vendues par ceux qui pensaient bientôt atteindre le lit rocheux. Comme cela se produit en gîte alluvionnaire. En 1880, avec six concessions, il fonda ce qui devint la Kimberley Central Mining Co. Il en possédait environ 75 en 1883 quand il entreprit de forer un puits.
La lutte pour le diamant
En 1887, trois groupes se partageaient le contrôle des mines :
- De beers Mining Co,
- Kimberley Central Mining C,
- La Compagnie française des mines de diamants du cap de Bonne Espérance.
Cecil Rhodes
Cecil Rhodes offrit 1 400 000 livres de cette dernière, et Barney Barnato 1 750 000 livres. Tous deux s'entendirent, et Cecil Rhodes acquit 20% des parts de la Kimberley Central.
Une bataille financière s'engagea pour le rachat des dernières concessions dont le prix montait, alors que la valeur du diamant brut était tombé à 10 shillings le carat ! En mars 1888, Barney Barnato abandonna. Les deux sociétés fusionnèrent puis Kimbeley Central fut liquidée le 18 juillet 1889 pour le mémorable chèque de 5 338 650 livres, signé par Cecil Rhodes.
De Beers Consolitated Mines Ltd
La De Beers Consolidated Mines Ltd demeurait seule et contrôlait peu après la mine Wesselton découverte en décembre 1891 à 3km de Dutoitspan, et Bultfontein, définitivement annexées en 1899. Elle possédait aussi la majorité des parts de Griqualand West Company pour les gîtes alluviaux, et contrôlait ainsi 90% de la production des diamants bruts de l'époque. le prix moyen du carat de diamant brut passa de 18 shillings 6 pence en 1889 à 32 shillings 6 pence en 1890.
Quant à cecil Rhodes, devenu premier ministre du Cap en 1890, il tenta de soumettre la République du Transvaal, et dut démissionner tandis qu'éclatait la guerre des Boers. Il s'illustra durant le siège de Kimberley qui fut défendue grâce au matériel des mines. La Rhodésie, devenue depuis Zimbabwe, lui doit son nom.
L'établissement du marché mondial
Après la crise de 1892, les principaux acheteurs de diamants, comprenant la nécessité de s'unir pour discuter avec Cecil Rhodes, formèrent dès 1893 un syndicat. Il était en effet admis à l'époque, après une prospection systématique de la région et la découverte de quelques cheminées kimberlitiques stériles, que l'on ne trouverait rien d'autre.
Chaque jour, plusieurs diamants de plus de 10 carats sont produits. Cela a donné 300 diamants de plus de 100 carats et le quart de tous les diamants de plus de 400 carats. Cecil Rhodes, formèrent dès 1893 un syndicat. Il était en effet admis à l'époque, après une prospection systématique de la région et la découverte de quelques cheminées kimberlitiques stériles, que l'on ne trouverait rien d'autre.
Thomas Cullinan
Et pourtant, en 1898,Thomas Cullinan, un maçon enrichi dans l'immobilier, remarqua lors d'un voyage dans la région de Pretoria (à 400 km de Kimberley) un site lui rappelant celui de Kimberley, la ferme Elandsfontein. Mais le vieux propriétaire, Prinsloo, qui avait déjà dû déménager une première fois à cause des prospecteurs d'or, puis une deuxième fois à cause des chercheurs de diamants, refusa de vendre.
Cullinan attendit sa mort et, en 1902 (année de la mort de Cecil Rhodes), acheta la ferme à la fille de Prinsloo pour 52 000 livres. Ce sera la toujours célèbre mine Premier, ainsi nommée car inaugurée par le Premier ministre en 1905 ; c'est l'une des plus vastes cheminées kimberlitiques connues (la 9" du monde actuellement), de section elliptique de 450 x 900 m environ, soit 32 ha de surface (contre 4,13 ha pour celle du Big Hole), la plus importante exploitation diamantifère du monde, qui produit chaque jour plusieurs diamants de plus de 10 carats, qui a donné 300 diamants de plus de 100 carats et le quart de tous les diamants de plus de 400 carats (l'un des plus récents est le De Beers Centenary, de qualité exceptionnelle, de 599 carats, trouvé en juillet 1986, taillé en un cœur modifié de 273, 85 carats de mars 1990 à avril 1991).
La cheminée, qui contient quinze types de kimberlites, d'une teneur moyenne de 0,25 carat de diamant par tonne, d'où il est extrait 2 à 5 millions de carats (une demi-tonne) de diamants par an, est traversée à 400 m de profondeur par une extraordinaire veine de gabbro de 80 m de puissance, qui suscita angoisses et doutes de 1964 à 1968 parmi les exploitants et géologues ; c'est la mine la plus taxée du monde (87 % de ses bénéfices), la seule mine à fournir de nombreux diamants de type lia, familièrement nommés diamants électroniques par suite de leur utilisation actuelle.
Diamant Cullinan
On y trouva, le 26 janvier 1905, à 17 heures, un diamant de 3 106 carats (621,2 g) supposé être un clivage d'un diamant d'environ 5 000 carats (1 kg), nommé Cullinan en l'honneur de Thomas Cullinan. Le plus gros diamant du monde (10 x 6 x 5 cm) fut acquis 150 000 livres (environ 750 000 dollars) par le gouvernement du Transvaal, et offert à EdouardVII d'Angleterre pour son anniversaire le 9 novembre 1907, pour sceller définitivement la paix après la guerre des Boers.
Tandis que la pierre voyageait anonymement par paquet poste, d'importantes mesures de sécurité étaient prises pour transférer une boîte vide de Pretoria à Londres. Il en fut de même lors de son transfert de Londres à la taillerie des frères Asscher d'Amsterdam, la pierre étant cette fois dans la poche d'Abraham Asscher voyageant incognito par train et bateau de nuit... Ce fut le dernier diamant mêlé à des événements historiques dramatiques.
L'étude précédant sa taille dura un an, son clivage commença le 10 février 1908. Il en fut tiré la Grande Étoile d'Afrique, ou Cullinan I, poire de 530,20 carats actuellement sur le sceptre de l'Empire britannique, la Petite Étoile d'Afrique, ou Cullinan II, coussin de 317,40 carats actuellement sur la couronne de l'Empire britannique, 7 autres pierres importantes (de 94,4 à 4,39 carats), nommées Cullinan III à Cullinan IX, faisant partie du trésor de la Couronne britannique, et 96 pierres de grosseurs diverses, soit un rendement en masse de 35 % environ.
Péril de l'oeuvre de Cecil Rhodes
- La mise en exploitation de la mine Premier fut le premier coup porté à l'œuvre de Cecil Rhodes.
- Le deuxième fut la découverte en 1908, par un cheminot dégageant la voie ferrée près de Lùderitz, dans le protectorat allemand du Sud-Ouest africain (actuelle Namibie), d'un diamant qui entraîna la proclamation d'un Sperrgebiet (territoire interdit) où une Diamanten Régie contrôla les six compagnies chargées de la prospection et de l'exploitation de très riches gisements diamantifères alluvionnaires.
- Le troisième, fut la crise économique européenne de 1913, qui fit diminuer la demande en diamants et, corrélativement, chuter les cours, menaçant de faillite plusieurs négociants. La société De Beers ne contrôlait plus, en 1914, que 40 % de la production mondiale. Une conférence des pays producteurs fut organisée en 1915 afin de soutenir les cours, en adaptant la production à la demande.
Quotas de production de diamants liés à la crise économique
Des quotas furent fixés et un bureau de ventes commun fut organisé à Londres. Les quotas traduisaient l'importance de chaque groupe :
- De Beers : 48,5 %
- Diamanten Régie : 21 %
- Premier : 19,5 %
- Jagersfontein : 11 %
Consolidated Diamond Mines of South-West Africa et Ernest Oppenheimer
En dépit des nouveaux gisements de diamants découverts depuis, cette situation de quasi-monopole sera consolidée pour le bien général grâce à la dynastie Oppenheimer. D'origine allemande, mais travaillant à Londres, Ernest Oppenheimer, alors âgé de 22 ans, fut envoyé comme acheteur de diamants en Afrique du Sud, à Kimberley. Élargissant ses intérêts, il fonda en 1917 avec des ingénieurs américains l'Anglo American Corporation of South Africa, active dans les mines d'or. Cela lui permit d'acquérir les exploitations allemandes déchues de leurs droits au Sud-Ouest africain en 1919 et de fonder la Consolidated Diamond Mines of South-West Africa (ou CDM). À ce titre, il assista en 1920 à la conférence des pays producteurs, qui prorogea l'accord de 1915.
Ruée vers les concessions diamantaires en 1926
En 1926, les riches dépôts alluviaux du Lichtenburg (Transvaal) provoquèrent de mémorables ruées. La distribution des concessions était le résultat d'une... course à pied, dont le départ était donné comme pour une compétition sportive, les plus rapides choisissant les concessions supposées les meilleures. Ces gîtes fournirent en trois ans une production égale à celle des grandes mines.
En 1926 encore, les gisements des terrasses marines du Namaqualand, au sud du fleuve Orange, étaient découverts et exploités, et livraient le huitième de la production mondiale en un an. Le Congo, l'Angola devenaient producteurs. Pour éviter d'être débordé, le Diamond Syndicate de Londres acheta d'abord ce qu'il put, et E. Oppenheimer sut le convaincre d'acheter tout, pour contrôler la vente. En 1930, la Diamond Corporation Ltd réunit les quatre grands producteurs africains et s'élargit bientôt en Diamond Producers' Association (DPA) tandis qu'était organisée une Diamond Trading Co. chargée d'acheter et de trier tous les diamants achetés par la DPA et de les vendre au travers d'une centrale : la Central Selling Organization (CSO).
Cela permit de surmonter la crise économique des années 30, puis de constituer des réserves en prévision d'autres crises. Ernest Oppenheimer, puis son fils Harry surent prendre des accords avec les nouveaux producteurs (Union soviétique et Australie) pour préserver ce mécanisme qui contrôle actuellement 80 % de la distribution des diamants bruts. Ce monopole de fait est régulièrement menacé par les nouveaux producteurs et les changements politiques. Il se développe ainsi depuis 1990 une filière russe (locale) et une filière indienne familiale (pour les petits diamants).
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