La perle de culture en eau douce : Entre le meilleur et le pire
Forte concurrence de la perle d'eau douce de Chine
Problème de qualité et de prix
Le défi actuel toutefois, celui qui malmène les fermes perlières d'Australie, de Polynésie, du Japon, d'Indonésie et de Birmanie, est d'un autre ordre : il s'agit d'un problème de concurrence. La perle d'eau douce de Chine par son nivellement vers le bas du prix et de la qualité, et par sa production excessive (plus de quatre mille tonnes par an, dont 40% retenu pour la joaillerie) raye tout simplement de la carte la plupart des producteurs.
Il existe toutefois des perles d'eau douce de luxe et c'est ce que nous proposons en exclusivité chez Gemperles !
La moule perlière d'eau douce, on l'a vu, est très implantée dans les rivières, les fleuves et les lacs de la plupart des zones tempérées de la planète. Plus de quatre cents espèces perlières existent potentiellement, mais seules quelques unes ont réellement obtenu des résultats économiques remarquables.
Succès et excès de la perle de culture en eau douce de Chine
Émergence de la Chine
Tout commence dans les années 1960 où es expériences sont menées en Chine, sur une grosse moule d'eau douce, très résistante : Hyriopsis cumingii, appelée en anglais Triangle shell mussel en raison de sa forme.
Indépendance de la Chine
Les perles produites furent longtemps écoulées au Japon, où elles étaient mêlées aux perles d'eau douce japonaises issues de fermes installées autour du lac Biwa. C'est dans les années 1980 que les Chinois prennent leur indépendance et vendent eux-mêmes leurs perles.
Commence alors une expansion de la production hors de tout contrôle :
♦ 20 tonnes en 1981,
♦ 150 tonnes en 1991,
♦ 500 tonnes en 1995,
♦ 900 tonnes en 2000,
♦ Pour atteindre le chiffre record de 1 500 tonnes en 2008 !
Tout ceci se passe à l'est de Shanghai, dans une région de lacs et rivières principalement autour des villes de Wuxi (lac Tahi), Zhuji et de Suzhou.
Hyriopsis cumingii et Cristaria plicata
Les perles sont cultivées dans deux moules de la grande famille des Unionidae : Hyriopsis cumingii et Cristaria plicata. Cette dernière est un mollusque qui peut atteindre trente centimètres de longueur. Ces moules d'eau douce sont des animaux résistants, accoutumés à un climat tempéré aux hivers froids. Des cultures se pratiquent aussi chez des hybrides de ces deux espèces. La totalité des moules perlières chinoises est issue d'écloseries. Les moules vivent dans des eaux calmes, rarement à plus de 20 °C
Mode de cultivation des perles
Lorsqu'on visite les fermes perlières chinoises, on a la surprise de découvrir qu'elles sont essentiellement constituées d'étangs, de canaux, ou de sortes de rizières inondées, qui entourent des villes ou parfois même y pénètrent, donnant le spectacle inouï de fermiers des campagnes s'activant entre des barres d'immeubles où vivent des milliers de citadins.
C'est là qu'on se rend compte vraiment de la résistance de ces animaux, qui se contentent d'une eau trouble, très riche en matière organique. Elles sont suspendues dans des paniers grillagés, à moins d'un mètre de profondeur. Les flotteurs sont tous des bouteilles en plastique de boissons de soda. Aucune sophistication, un coût dérisoire.
La Chine et ses démons
Bien évidemment, la Chine reste la Chine. Si elle propose le meilleur, elle commercialise aussi des perles teintées artificiellement, avec des sels d'argent, pour faire des perles noires vendues sous l'appellation frauduleuse de « perles de Tahiti ». Quantité de colorants chimiques donnent des perles qui couvrent toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. L'acheteur non informé est séduit par ces appellations fausses et interdites, comme celles de « perle naturelle de culture » ou « perle de couleur Tahiti ». Internet, essentiellement par l'intermédiaire d'un site de vente aux enchères pour les particuliers, est devenu la plateforme commerciale de toutes ces perles trafiquées où tout est tromperie : aucune mention de la nature artificielle de la couleur, un jeu sur les mots pour faire croire à des perles naturelles, et enfin la vente de perles qui devraient être destinées au pilon. Les prix sont dérisoires, tandis que les profits sont en fait obtenus sur les frais d'expédition et d'emballage !
Cette politique de la contrefaçon et ces pratiques menacent la totalité de l'industrie perlière. La diaspora chinoise diffuse les perles hors de Chine, mais sans informer correctement le client. Ainsi, au Qatar, par exemple, les perles de Chine sont vendues comme des perles japonaises. Dans les centres touristiques indonésiens, on vend les perles d'eau douce de Chine comme des « perles de l'île de Lombok », qui n'en produit aucune en eau douce.
Avec plus de mille cinq cents tonnes de perles par an, il est évident qu'on se retrouve face à une surproduction qui met en danger le monde perlier, à commencer par la perliculture chinoise elle-même. C'est bien là le paradoxe, la Chine perlière va au suicide, à l'instar du Japon qui, dans les années 1970, avait proposé des perles dont la couche de nacre trop faible laissait apparaître le noyau au bout de quelques années. La piètre qualité, la coloration, les fausses appellations font oublier que la Chine a réussi une percée étonnante en produisant des perles de grande qualité.
Une perle sans noyau
Perle naturelle
La caractéristique de la perle cultivée dans des moules d'eau douce est qu'elle est dépourvue de noyau. Il s'agit d'une greffe d'un simple fragment de tissu du manteau. Les perles de moules d'eau douce sont donc réputées « naturelles », constituées à 100% de nacre produite par le mollusque.
Les Chinois mettent à profit la forte épaisseur du tissu conjonctif du manteau des moules (2 mm en moyenne) alors qu'il mesure moins d'un millimètre dans les huîtres perlières marines. Cette épaisseur est suffisante pour y faire des incisions et y introduire, à l'aide d'une aiguille métallique, un morceau de tissu découpé dans la couche épithéliale du manteau d'une moule donneuse.
Ainsi, la perle d'eau douce de Chine est ce qu'il y a de plus proche du processus naturel déclenchant la formation d'une perle. Les greffeurs provoquent simplement un déplacement de cellules, pour mettre celles qui produisent la nacre dans l'épaisseur de la couche conjonctive « neutre » du manteau.
Dans les faits, les greffeurs font jusqu'à vingt-cinq incisions dans le manteau de chaque valve, pour y placer, au final, jusqu'à cinquante greffons, qui donneront autant de perles. Dans une huître marine, on va rarement au-delà d'une greffe par huître.
Forte productivité de la moule d'eau douce
Ainsi, en Chine, dans les lacs, la moule d'eau douce est jusqu'à cinquante fois plus productive que l'huître marine. Chaque greffon va former un sac perlier où grandira une perle. Les moules sont ouvertes après trois ou quatre ans. Sur les cinquantes perles récoltées, il y en aura statistiquement quelques-unes de qualité.
Les fermiers chinois, épaulés par des instituts de recherche, ont constamment amélioré la qualité, jusqu'à produire dès les années 2000 des perles de toute beauté, parfaitement rondes. Celles-ci rivalisent sans peine avec les perles marines Akoya du Japon, mais à un coût de production dix fois moindre.
Perles du lac Biwa
Hyriopsis schlegeli
Il faut en premier lieu parler là encore du Japon, où une moule produisant une très belle nacre a fait longtemps la fortune du lac Biwa, au nord-est de Kyoto. Des espèces qui y vivent, les fermiers ne retinrent très vite que la seule Hyriopsis schlegeli comme moule porteuse. En revanche, le greffon de tissu du manteau était issu de plusieurs moules donneuses, qui sont des espèces différentes des moules porteuses, afin d'apporter une variabilité dans la couleur.
Une moule reçoit plus d'une vingtaine de greffons, découpés en petits carrés de 2 x 2mm. Des incisions sont pratiquées à intervalles réguliers sur le bord du manteau des deux valves de la moule receveuse. Dans ces incisions, on introduit le fragment de greffon.
♦ Une perle va se former,
♦ Elle est rarement ronde,
♦ Les couleurs sont souvent magnifiques, en particulier les perles rosées à violacées, qui sont très appréciées.
Succès limité et pollution
Très productives dans les années 1960-1980, les fermes du lac Biwa connaissent un immense, mais bref, succès. Les eaux de ce lac sont lentement empoisonnées par les fertilisants et les pesticides issus de l'agriculture et les moules y meurent.
Le lac, qui est la principale source d'eau potable pour la population locale, voit son niveau baisser. Les apparences sont sauves en vendant des perles d'eau douce de Chine comme perles du lac Biwa, mais finalement toute cette industrie disparaît au début des années 1990.
Perles du lac Kasumiga
Une activité similaire s'est développée parallèlement dans le lac Kasumigaura, situé à soixante kilomètres au nord-est de Tokyo, tout au bord du Pacifique.
Perles Kasumiga
Les perles, magnifiques, sont vendues sous l'appellation Kasumiga pearls.
♦ Elles présentent des variations de couleur dans les teintes roses à violacées, parfois même grises.
♦ Ce sont des perles qui peuvent rivaliser en prix et en qualité avec les perles des mers du Sud !
À peine cinquante kilogrammes sont produits chaque année, de quoi faire au mieux un millier de colliers. La demande est bien supérieure à l'offre. Pour le moment, le lac de Kasumigaura a échappé à la malédiction du lac Biwa.
DANS LA MÊME RUBRIQUE...
AUTRES PAGES CONSEILLÉES...