Et pourtant, elle tourne !
À quelle vitesse tourne une perle ?
Perles tournant autour d'un axe de rotation
Direction du perçage des perles
Nous n'en savons rien pour le moment, mais ce dont nous sommes certains est que les perles à axe de symétrie, à savoir les perles sphériques, bouton, poire et cerclées, grandissent toutes en tournant autour d'un axe de rotation. Cet axe est aisé à situer sur toutes les perles de type bouton, poire ou cerclé.
Il correspond en effet en général à la direction du perçage. L'axe de rotation peut être décelé sur des perles sphériques en examinant les défauts de surface. Les perles baroques ne tournent pas pendant leur formation, ou du moins pas régulièrement. Elles bougent, sans plus.
Imperfections sur la surface des perles
On peut objecter qu'en l'absence de preuves visuelles, cette théorie n'est que conjecture. Elle est en fait plus que cela. La rotation laisse des traces qui rendent cette théorie pertinente. La première des observations, capitale, se voit à l'examen des défauts. Une perle dite « piquée » présente une ou plusieurs petites marques en creux à la surface de la perle. Ces défauts sont évidemment fâcheux, car ils diminuent la valeur de la perle.
Dans les perles à axe de rotation, la plupart de ces imperfections superficielles présentent une sorte de « queue de comète » qui part du défaut et continue, en courbe, en s'estompant progressivement. Si une perle présente plusieurs de ces défauts, les queues de comètes ont toutes la même orientation et permettent de déduire la position de l'axe de rotation et son sens. Dans les perles baroques, qui ne tournent pas, les piqûres ne montrent aucune « queue de comète ».
Cerclage des perles
Une autre preuve de la rotation est le cerclage des perles. Il se manifeste aussi bien dans les perles naturelles que dans les perles de culture. Le cerclage désigne un sillon en creux, ou plusieurs sillons, qui font le tour de la perle. On peut parfois observer des perles qui paraissent comme passées au tour de menuisier, tant les cerclages abondants font penser à un pied de table tourné !
Les cerclages s'interrompent parfois, ce qui permet de dire que la queue de comète décrite plus haut est un début de cerclage, qui s'estompe et disparaît au cours de la rotation. Les cerclages naissent très certainement d'un défaut. Le défaut de départ - une sorte d'impact - et la queue de comète qui se développe pour souvent s'interrompre, laissent supposer que la rotation de la perle est plutôt lente.
Comment expliquer le mystérieux cerclage d'une perle ?
Théorie de l'accident
Il n'y a qu'une réponse possible. Dans l'intérieur du sac perlier se forme un accident, un peu comme un aphte sur notre muqueuse buccale. Quand la perle se développe, en tournant, cet ulcère vient perturber la surface de la perle qui y est exposée pendant la rotation. Il s'agit probablement d'un défaut protubérant qui affecte le fonctionnement d'un paquet de cellules épithéliales (la comparaison de l'aphte est assez claire).
Ce défaut ponctuel perturbe le dépôt d'aragonite qui est interrompu à cet endroit. En tournant, l'endroit où le dépôt de nacre est perturbé forme par conséquent un sillon sur tout le tour de la perle, non pas parce que le sillon se creuse mais parce que la perle continue à croître de part et d'autre de cette ligne de défaut.
Cellules épithéliales
De la même manière, des cellules épithéliales peuvent être affectées à un endroit du sac perlier dans la fabrication des molécules organiques à l'origine des couleurs des perles. Ces molécules sont des composés complexes qui peuvent être de la famille des polyènes, des tétrapyrroles ou des mélanines. Les pigments dépendent du mollusque. Par exemple, dans les perles colorées des moules d'eau douce de Chine, il y a des polyènes, dans les perles de Pinna des caroténoïdes, et dans les perles noires de Tahiti un mélange de tétrapyrroles et de mélanines. Ce sujet complexe fait l'objet actuellement d'études savantes (menées par Stefanos Karampelas, chercheur au Gùbelin Gem Lab et Emmanuel Fritsch, professeur à l'Université de Nantes).
Toujours est-il que ces cellules épithéliales peuvent parfois se différencier selon le type de molécules colorantes qu'elles produisent, ces différences pouvant créer des bandes de couleur. Parfois, la séparation peut être extrêmement nette, comme un équateur, la moitié de la perle étant d'une couleur et l'autre moitié d'une autre couleur. Il existe ainsi quelques rares perles bicolores connues, noires d'un côté, dorées de l'autre.
Recherche qualité sur la surface de la perle
Théorie de la rotation des perles
Curieusement, alors que les défauts coûtent cher à la perliculture, la recherche sur la qualité de surface de la perle est frileuse. Elle aurait dû mener à l'étude des sacs perliers, en particulier ceux qui ont donné une perle avec des défauts et des cerclages. Une observation au microscope et des coupes histologiques devraient permettre de trouver les cellules épithéliales au fonctionnement perturbé, voire, une fois la mécanique comprise, de rendre ces défauts moins probables.
On peut se risquer à avancer des hypothèses sur la nature de ces défauts, que nous appelons ici des « aphtes » perliers. Par exemple, lorsque le sac perlier se forme, il est tapissé à l'intérieur de cellules épithéliales productrices de matière perlière. Les cellules extérieures sont d'une autre nature. Il est possible qu'en grandissant avec sa perle, le sac puisse connaître des micro-déchirures, et que les cellules extérieures apparaissent sur la surface intérieure. Il n'y aura alors à cet endroit aucune production de matière coquillière. Et ce défaut, uni à la rotation, se traduirait par une ligne d'une allure particulière, ou encore un cercle.
Il reste que cette théorie de la rotation pourrait être démontrée par l'observation directe, si l'industrie perlière acceptait de financer une recherche somme toute facile à mener. Ainsi faudrait-il placer dans des huîtres de culture des noyaux de nacre portant une petite inclusion, par exemple en or, opaque aux rayons X. Les huîtres retourneraient à l'eau, et seraient radiographiées une fois par semaine au moyen d'un appareil embarqué sur un bateau. En prenant soin de faire la radiographie de l'huître avec toujours la même orientation, nul doute que l'on verrait la marque opaque de l'inclusion d'or qui s'est déplacée, comme un satellite autour de la planète Jupiter !
Preuve de la rotation des perles
La preuve de la rotation des perles se détecte dans les perles « bouton », qui sont des sphères imparfaites dont l'un des pôles est aplati. Sur ce côté plat, on observe des marques circulaires et des défauts qui témoignent, sans doute aucun, de la rotation de la perle.
Pourquoi un fond aplati ?
Une esquisse de réponse peut être donnée. Le sac perlier d'une future perle « bouton » est placé contre une matière dure, qui l'aplatit sur un côté. Cela peut se produire quand le sac perlier subit une compression contre la coquille, ou lorsqu'il est proche du muscle adducteur. Il est étrange que la théorie de la rotation ait échappé à la recherche pourtant intense sur les perles.
Le phénomène n'est cité que dans quelques rares livres, écrits par les premiers témoins de la perliculture à Tahiti (dont l'ouvrage excellent du docteur Lintilhac, Les perles noires de Tahiti, 1985), et la remarquable et instructive thèse de José Caseiro à l'Université de Lyon, soutenue le 1er octobre 1993 : « L'huître perlière de Polynésie. Biominéralisation, paramètres et processus de croissance, effets chromatiques dans la coquille et dans la perle de Pinctada margaritifera ». Dans ce travail très édifiant, l'auteur évoque clairement la rotation nécessaire pour expliquer les cerclages et les formes en poire des perles de Tahiti.
Pourquoi personne n'a-t-il rebondi sur ces observations étonnantes par la suite ?
Cela vient certainement, une nouvelle fois, des techniques analytiques très poussées de la science, au détriment, parfois, de la simple observation avec une bonne loupe ! Pourtant, on peut difficilement passer à côté d'une telle idée, car les mêmes observations se font sur toutes les perles, quelle que soit l'espèce.
Grâce à l'importance de la collection de perles rares du Qatar, nous avons constaté ce-preuves de rotation sur les perles de tridacnes, de spondyles, d'huîtres, de moules, de coquilles Saint-Jacques, de palourdes, etc.
Enfin, les preuves de la rotation de la perle se trouvent aussi bien dans les perles naturelles que dans les perles de culture. C'est une réalité universelle, dont il reste à expliquer la mécanique.
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