Histoire de la perliculture au Japon

 

L'analyse de l'histoire de la perliculture japonaise montre que les antécédents de la recherche scientifique, comme les atouts du milieu méridional des côtes japonaises, n'ont constitué qu'une partie des fondements sur lesquels s'est bâti l'empire perlier japonais. D'autres éléments tout aussi déterminants ont été la persévérance des entrepreneurs qui ont compris l'importance commerciale de la production contrôlée de perles et la clairvoyance du gouvernement qui a toujours su les appuyer.

Kokichi Mikimoto

Kokichi MikimotoLes débuts de Mikimoto

La vie de Kokichi Mikimoto est étroitement liée à l'épopée des origines de la perliculture. Né en 1858, c'était le fils aîné d'une famille de neuf enfants qui fabriquait des pâtes dans le sud du département de Mie. Dès son plus jeune âge, il a dû travailler et n'a pas eu la possibilité de continuer ses études.

Sans doute influencé par le milieu où il gagna ses premiers sous, il eut l'idée des bénéfices qui pouvaient être obtenus dans le commerce extérieur. Adolescent, il vendait des légumes et des oeufs aux troupes des bateaux qui s'arrêtaient à Toba. À 23 ans, il s'est intéressé aux industries de la pêche, surtout aux huîtres perlières qui devenaient de plus en plus rares.

Tout d'abord, il a pratiqué le commerce de petites perles dans la baie de Yokohama. Ces perles étaient achetées par les Chinois pour un usage médicinal. Les huîtres qui les produisaient étaient abondantes dans la baie de Toba et Shima, d'où il était originaire. Plus tard, lorsqu'il appris que les perles étaient produites par un effet iritant qui pouvait être provoqué par l'homme, il a compris qu'une industrie de culture de perles pouvait se développer sur la base de la culture des huîtres perlières.

Narayoshi Yanagi

En 1888, Narayoshi Yanagi, président de l'Association Nationale des Industries de la Pêche, lui a appris tout ce que qu'il savait à propos de la culture des huîtres comestibles et Mikimoto a considéré qu'il était possible  de cultiver les huîtres perlières avec les mêmes méthodes. Il a donc développé une méthode grâce à laquelle les huîtres pouvaient vivre dans leu milieu  naturel suspendues dans des paniers métalliques ou dans des cages au fond de la mer.

Formation des premières perles Akoya

Kakichi Mitsukuri

À cette époque, Mikimoto ne savait rien encore sur la formation des perles et ses premières akoya ont produit uniquement de petites perles imparfaites et des demi-perles naturelles. En 1980, il a apporté celles-ci à une foire où il rencontra Kakichi Mitsukuri, directeur de la Faculté des Sciences à l'Université Impériale de Tokyo et expert dans la formation des perles, qui a partagé ses connaissances avec lui.

Un irritant dans l'huître

Mitsukuri a suggérté à Mikimoto la possibilité de produire des perles en provoquant artificiellement une irritation dans l'huître. Dès cette époque, les expériences pour l'obtention de perles à partir d'une irritation ont été menées à bien par le professeur Isao Ijama et par Mikimoto. Ce dernier, aidé par sa femme, a essayé d'obtenir des perles en introduisant toute sorte de matériaux à l'intérieur des huîtres. En 1892, une marée rouge a été fatale à ses huîtres, mais il a continué son travail. En 1893, il obtenu sa première demi-perle formée autour d'un noyau de coquille d'une huître perlière qu'il avait introduit.

Dès l'obtention des premières demi-perles, Mikimoto a demandé et obtenu en 1896, le brevet de son procédé puis il s'est lancé dans la production industrielle. Il a déménagé sa ferme à la Baie d'Ago qui présentait de meilleures conditions pour les huîtres perlières et a continué à travailler au perfectionnement de sa méthode.

Procédé d'origine chinoise ré-utilisé par Mikimoto

Les résultats positifs des premières expériences de la culture de perles ont été obtenus lentement et, en réalité, ils n'étaient pas novateurs. Ses demi-perles, aussi connues comme perles japonaises, avaient été obtenues en perfectionnant l'ancien procédé chinois appliqué à Meleagrina martensii. Cependant, il semblait impossible de reproduire l'opération naturelle des huîtres pour obtenir, par des moyens de culture, une perle fine sphérique. Il y avait un fossé apparemment infranchissable entre la culture de la demi-perle et celle de la perle complètement sphérique.

Mikimoto et les pionniers de la perle sphérique

Tatsuhei Mise, inventeur de la culture des perles libres

Malgré l'incontestable rôle pionnier de Mikimoto, l'idée très courante qu'il a été l'inventeur de la culture des perles libres doit être révisé. Parmi plusieurs chercheurs, Chan (un biologiste américain attaché aux forces d'occupation) assure que l'inventeur de la méthode pour cultiver la perle libre a été Tatsuhei Mise, mais sa découverte n'a pas été considérée sérieusement en raison de son manque d'études, arguant que ses résultats n'avaient pas de bases scientifiques.

Mise a alors cherché à se rapprocher des chercheurs  qui travaillaient sur ce sujet. En 1904, il a présenté sa perle sphérique cultivée au Dr Kishinoye, un des plus grands savants japonais en matière maritime. Cette perle était développée dans le mollusque Pinctada martensii par une greffe du tissu épithélial autour d'un petit noyau de nacre. Mise a demandé un brevet pour sa méthode de culture de la perle sphérique en mai 1907, mais le Bureau Japonais de Brevets le lui a refusé à cause du brevet octroyé à Mikimoto quelques années avant. Pourtant, en avril 1907, cette institution lui a accordé un brevet portant uniquement sur l'aiguille amployée dans sa méthode.

Tokichi Nishikawa, concepteur de la perle sphérique

À la même époque, Tokichi Nishikawa, diplômé du Collège des Sciences de l'Université de Tokyo, spécialisée en Zoologie, semble avoir été la première personne qui ait produit la perle sphérique par des méthodes scientifiques.

Nishikawa a consacré sa vie à l'étude de la culture des perles et, en 1907, il a découvert que les cellulles qui formaient le sac perlier introduites dans une huître sécrétaient un fluide qui devenait une perle. En 1909, il a réussi à cultiver des perles sphériques dans une production expérimentale. Elles ont été présentées à l'empereur le 10 juillet 1909, trois mois après la mort de Nishikawa. Ses méthodes ont été postérieurement perfectionnées par ses deux assistants, les frères Fujita.

Les différentes controverses de l'époque

Il y a eu une controverse sur l'originalité des travaux de Mise et de Nishikawa, au sujet de la similitude des méthodes et de la confusion des dates. Mise et Nishikawa ont mutuellement reconnu leurs mérites respectifs et ont vu l'intérêt de travailler ensemble. Ils se sont associés en 1907 et ont perfectionné la méthode du greffage et de l'implantation des noyaux. C'est pourquoi la méthode japonaise de perliculture la plus employée actuellement porte les nomes des deux chercheurs qui sont considérés comme les inventeurs de la culture des perles sphériques. Malgrétout, leur méthode a dû attendre jusqu'en 1916 pour recevoir un brevet.

La technique du greffage et de l'insertion des noyaux pour produire des perles libres de Mikimoto a été en réalité trouvée par Otokishi Kuwabara, un dentiste qui était son proche collaborateur. En 1908, ils s'étaient associés et ils cherchaient à perfectionner la technique des demi-perles et à découvrir celle des perles libres. Kuwabara a obtenu sa première perle sphérique en 1913, presque 10 années après que Mise eut réussi à cultiver la sienne, ce qui n'empêcha pas Mikimoto ait demandé et obtenu en 1914 un brevet pour cette méthode de culture des perles sphériques.

Mais la méthode Mikimoto-Kuwabara était trop compliquée et elle n'a jamais été appliquée dans des buts commerciaux. Les principes de la méthode Mise-Nishikawa étaient au contraire très simple, c'est pourquoi, dès son invention et jusqu'à nos jours, elle fut appliquée pour le greffage des huîtres perlières. Elle a été appliquée dès 1920 à d'autres espèces perlières par les frères Fujita.

Opportunisme et montée en puissance du Roi de la Perle

Déjà au début du siècle, la prépondérance de Mikimoto avait réussi à éviter la concurrence de Mise pour l'obtention des brevets et, plus de 10 années après, le pouvoir du Roi de la perle était incontestable. Ceci explique que Mikimoto ait réussi à obtenir un brevet pour la perle sphérique en 1916 (employant la méthode découverte par Kuwabara), sept semaine avant que le brevet de Nishikawa Mise eût été émis.

Cependant, Mikimoto a été le premier à reconnaître la supériorité de la méthode Mise-Nishikawa et il l'a adoptée pour la production perlière massive, moyennant un accord avec le fils de Nishikawa pour l'utiliser dans des buts commerciaux. Le grand succès industriel et commercial que Mikimoto a connu dès le début des années 1920 a relégué pratiquement dans l'oubli les noms de Mise, Nishikawa et Fujita, mais il est clair que son succès a eu pour fondement les découvertes de ces chercheurs. Pourtant, on doit reconnaître Mikimoto comme le premier à avoir développé la perliculture à grande échelle. Sans lui, l'industrie perlière du Ajpon n'aurait pas la place prépondérante qu'elle a dans le monde depuis le milieu du XXe siècle.

Progrès en perliculture

Grâce à l'aide financière que recevait l'entreprise de Mikimoto dans ses différentes fermes et laboratoires, les progrès en perliculture ont continué avec la mise au point de nombreuses techniques liées à la collecte des naissains et au grossissement des huîtres. En 1928, le gouvernement japonais octroyait aux ostréiculteurs le droit d'employer les innovations de Mise-Nishikawa. Néanmoins, l'esprit d'entreprise et l"habilité commerciale de Mikimoto lui ont permis de lancer ses premières demi-perles sur le marché dès qu'il les a obtenues. À Tokyo, il a installé un magasin où il les exposait et les vendait.

Passion et fronde des commerçants bijoutiers

Les perles de Mikimoto ont été connues par des bijoutiers et des savants qui les ont rejetées ou apprcéciées, déclenchant une polémique à leur sujet. Les commerçants en perles ont considéré ces produits comme de fausses perles et les ont appelées péjorativement, perles japonaises, dénomination qui allait nuire à la réputation des perles cultivées de bonne qualité et qui les suivraient quelques années après. Les savants ont toutefois applaudi la découverte.

Toutefos, l'entrée massive des produits perliers de Mikimoto sur le marché mondial a dû attendre la production contrôlée des perles sphériques au début des années 1920. Ces perles, parfaitement rondes, étaient tellement similaires aux perles naturelles qu'il était presque impossible de les distinguer. Pourtant, les débuts commerciaux des perles cultivées ont été difficiles. Mikimoto et ses représentants commerciaux ont dû faire face à de nombreux obstacles et agressions de la part des commerçants et bijoutiers qui avaient de grand intérêts placés dans la pêche et l'importation de perles naturelles.

Attributions et honneurs faits à Mikimoto

En contraste avec la forte opposition rencontrée à l'étranger, au Japon, on a octroyé à Mikimoto 17 brevets et, dès le début du siècle, il reçut les plus grands honneurs. En 1903, il reçut la médaillé du Ruban vert. En 1910, sa majesté l'Empereur lui remit un message d'approbation pour la ferme d'huître de l'île de Takoku. En 1911, Mikimoto fit une démonstration de son procédé pour la culture des perles à l'impératrice. En juin 1921, il apporté les derniers perfectionnements à son invention et reçut la plaque ornementale de la Médaille du Ruban Vert. En novembre 1924, il fut nommé par sa Majesté l'Empereur, sénateur du département de Mie.

Les revenus de la famille Mikimoto

Jusqu'à la fin des années 1920, la perliculture était encore à une étape expérimentale et déjà les revenus de la famille Mikimoto atteignaient 600 000 dollars. En 1926, elle possédait 114 fermes qui produisaient 650 000 perles de petite taille. En 1940, le nombre de fermes atteint 360 et la production annuelle 10 millions de pelres. Les perles étaient cultivées non seulement dans la région de Mie, mais aussi dans 14 autres départements japonais et à Okinawa.

Production perlière, mort de Mikimoto et évènements liés aux perles du Japon après l'an 1941

Pendant les 6 années suivantes, la production a baissé jusqu'à 400 000, mais la guerre n'a pas arrêté la perliculture. Aussitôt la paix revenue, l'industrie perlière a connu un développement très important, grâce aux facteurs suivants :

- La réorganisation de l'industrie avec des méthodes occidentales introduites par l'administration Mac Arthur.
- L'amélioration des niveaux de vie dans le monde et, en conséquence, la hausse de la demande de perles.
- La planification du gouvernement japonais pour rétablir l'industrie ainsi que l'aide financière apportée par le gouvernement et l'initiative privée.
- L'enthousiasme et la détermination des Japonais à développer cette industrie.

En 1948, la production reprenait avec 50 000 perles et atteignait 31 millions de perles en 1952. En effet, Mikimoto avait refusé de participer à la défense de la nation, pour pouvoir continuer ses activités perlières, refus qui a bien failli lui coûter la vie. Il est mort en 1954, à l'âge de 96 ans, à la tête d'un fabuleux empire, célèbre dans le monde entier.

 

BIJOUX PERLES AKOYA

 

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